Quand la génétique se heurte à la réalité de la vie

Les propriétaires de Sisco n’en peuvent plus : de plus en plus souvent, il aboie et tente d’agresser quiconque passe devant la maison, et dernièrement il a même mordu une passante qui avait voulu le caresser à travers le portail.

Maintenant, ils craignent que Sisco s’en prenne à un enfant de l’école primaire située à quelques dizaines de mètres de chez eux.

Sisco est un chien de race malinois âgé d’un an et demi, né dans un élevage réputé de bergers belges malinois destinés à « travailler » : ring, mordant, sécurité… Les reproducteurs et lices y sont côtés, reconnus pour leurs réelles aptitudes à remplir ces fonctions.

Conquis par cette image d’un chien puissant, sûr de lui, obéissant et dissuasif, les propriétaires de Sisco qui cherchait un chien pour garder leur maison et éloigner les cambrioleurs, se sont naturellement tournés vers cet élevage.

Avec ses nouveaux maîtres, Sisco a suivi l’école du chiot, puis les cours d’obéissance hebdomadaire dans un club canin traditionnel. Jusqu’à ses six mois, puis…

Madame est tombée enceinte, et presque au même moment monsieur a eu une promotion professionnelle.

Sisco, qui exerçait des activités régulières, avait des promenades et de l’attention, s’est subitement retrouvé au chômage complet.

Périphérisé seul dans sa cour, interdit de maison car il est trop agité pour cohabiter avec le bébé, Sisco qui génétiquement est programmé pour une activité intense et quotidienne, un cadre de vie stable et rassurant, avec des règles claires, se retrouve maintenant livré à lui-même, avec pour seule distraction le passage des gens devant son portail.

 

Uzzi est une jeune chienne de race border collie débordante d’énergie. Ses propriétaires, attirés par cette race depuis longtemps, se sont laissés séduire par une portée vendue par un particulier sur un site de petites annonces.

Uzzi est née à la campagne, dans une petite ferme où se côtoient poules, vaches et quelques moutons.

Dynamique et joueuse, elle a conquis ses nouveaux maîtres au premier regard.

Commence alors pour elle une nouvelle vie citadine, dans la petite maison du jeune couple.
Les ennuis débutent quelques mois plus tard…

La famille habite un petit pavillon avec jardin, et Uzzi devient de plus en plus difficile à promener à l’extérieur en laisse : systématiquement, quand un vélo, quelqu’un en rollers ou en trottinette approche, elle se tapie au sol, puis à son passage, bondit et pince au mollet ou à la cheville sa cible.

Border approche typique

Réprimandes et punitions n’y font rien, tout ce qui roule déclenche chez Uzzi cette réaction.

Au quotidien, elle n’est jamais détachée, car « elle n’écoute rien ». Sa vie se résume donc aux promenades en laisse dans les rues voisines et parfois aux séances de courses à pied avec monsieur sur la piste cyclable proche.

Depuis peu, elle aboie au moindre bruit. Elle fait les cent pas le long de la clôture (ce qui a le don d’agacer monsieur, qui voit sa belle pelouse se transformer en bourbier). Toujours de la même façon, elle trottine et fait des allers-retours, en faisant deux tours sur elle-même à chaque extrémité de la clôture. Sans cesse, sans fatigue, elle répète et répète…. Comme ces animaux dans les zoos, prisonniers de leurs enclos trop étroits, loin de leur milieu naturel et manquant cruellement d’activité.

Uzzi a développé une activité stéréotypée pour s’évader de son ennui et s’occuper.

 

Pourquoi, et que peut-on faire?

Uzzi et Sisco ont un point commun : une génétique programmée pour un certain style de vie.

La sélection des éleveurs (par la reproduction réfléchie des individus présentant les qualités recherchées dans leurs races) en ont fait des chiens au service de l’homme, actifs et souvent spécialisés pour certaines disciplines.

Par manque d’information, négligence des éleveurs et clubs de race, ou tout simplement par erreur de casting, ils ses sont retrouvées dans un environnement hypostimulant, qui ne leur fournit pas les activités physiques et cognitives nécessaires pour combler leurs besoins intrinsèques.

Ils se retrouvent alors au chômage technique, aptes à faire plein de choses, mais sans aucun moyen pour les réaliser.

Bored border
Certains traits comportementaux transmis héréditairement ne peuvent être modifiés par l’homme, et la meilleure des choses à faire est encore de combler les besoins propres à chaque race et individu en apportant des activités directes ou en lien avec ces besoins.

Des exercices d’obéissance (marche au pied, positions et blocages), de travail sur le self-control, du sport d’endurance, combleront les besoins d’actions et de conditionnement de Sisco.

De l’agility, du flyball, des « tricks » (des tours à apprendre à son chien), du clicker, ou la pratique du troupeau de façon régulière, apporteront à Uzzi les occupations cognitives et physiques dont elle a besoin.

A cela, un cadre de vie stable et des activités physiques en rapport avec les très hauts besoins de ces races parachèveront leur bien-être et diminueront les comportements gênants et stéréotypies.